La Sixième République de Ségolène Royal

Publié le par PS Plaine de France - canton de Luzarches

Pour contrer M. Bayrou, Mme Royal prône une VIe République
LE MONDE | 19.03.07 | 11h30  •  Mis à jour le 19.03.07 | 11h30

'adressant aux élus socialistes rassemblés dimanche 18 mars porte de Versailles, à Paris, Ségolène Royal s'est prononcée en faveur d'une "VIe République". La candidate du PS, qui se contentait jusqu'ici d'évoquer une "République nouvelle", veut réconcilier "le local et le global". "Ce sera notre VIe République, a-t-elle déclaré, c'est à celle-là que je vous invite et que nous construirons ensemble. Elle est prête." Le promoteur de la VIe République, Arnaud Montebourg, s'est réjoui de ce "sursaut salutaire". "Tous ceux qui étaient partis vers Bayrou veulent la crise de régime. Ça lui enlève le refus du système", a affirmé le porte-parole de la candidate socialiste. François Bayrou (UDF) s'est empressé de réaffirmer, lundi sur Canal+, qu'il était, lui aussi, favorable à une VIe République. Comme sa concurrente socialiste, il promet de soumettre à référendum son projet institutionnel.

Mme Royal évoque "quatre piliers" : démocratie parlementaire, sociale, participative et territoriale. Elle préconise notamment le mandat unique, la réforme du Sénat, l'impossibilité, pour le chef de l'Etat, de présider le Conseil supérieur de la magistrature, le compte rendu de mandat, y compris à la présidence de la République, l'instauration de jurys citoyens ou bien encore une nouvelle étape de décentralisation. M. Bayrou, qui entend également interdire le cumul des mandats, a notamment proposé que la moitié des députés soient élus à la proportionnelle. Aucun des "grands" candidats n'envisage pourtant de corriger en profondeur un déséquilibre des pouvoirs qu'ils dénoncent.

Le diagnostic est partagé, et le mal clairement identifié : la concentration des pouvoirs entre les mains d'un(e) seul(e) qui, passé son élection, devient juridiquement et politiquement irresponsable. En germe depuis la réforme de 1962 (élection du président de la République au suffrage universel), renforcée par la pratique – notamment mitterrandienne – du pouvoir, avant d'être confortée par l'adoption du quinquennat et, surtout, par l'inversion du calendrier électoral, qui soumet les législatives au résultat de la présidentielle, la dérive monarchique de nos institutions suscite une réprobation quasi-unanime.

Dans une tribune consacrée à ses propositions en matière institutionnelle (Le Monde du 9 mars), Nicolas Sarkozy (UMP) citait, entre autres "situations intolérables", "la concentration des pouvoirs entre les mains de l'exécutif". "Il n'est pas sain que le président de la République contrôle, en fait et en droit, l'ensemble de nos institutions", ajoutait le ministre de l'intérieur et président de l'UMP.

Dans un entretien au Monde du 6 mars, la candidate socialiste, Ségolène Royal, affichait résolument sa volonté de "résister à cette tentation monarchique à laquelle la République a trop souvent cédé". "Le pouvoir concentré concentre les défauts et les vices du pouvoir", avait souligné le président de l'UDF, François Bayrou, le 16 décembre 2005, lors d'un colloque organisé à l'Assemblée nationale.

Aucun de ces 3 candidats n'envisage toutefois d'attaquer le mal à la racine. Certes, chacun propose de revaloriser le rôle du Parlement. Sans pour autant supprimer le droit de dissolution, qui est l'arme maîtresse dont dispose le chef de l'Etat face au législateur. Surtout, nul n'entend rogner – sauf à la marge – les (nombreuses) prérogatives liées au mandat qu'ils se disputent. M. Sarkozy et Mme Royal proposent de limiter l'exercice du pouvoir présidentiel à deux mandats de 5 ans, et de réduire le caractère discrétionnaire de son pouvoir de nomination. M. Bayrou suggère, en outre, la suppression de l'article 16 de la Constitution (quasiment inusité) qui confère au président – en cas de crise majeure – des pouvoirs exceptionnels.

Ces ajustements masquent, au moins dans le cas de MM. Sarkozy et Bayrou, une volonté manifeste de conforter davantage encore la prééminence de la fonction présidentielle. L'un et l'autre proposent que le président puisse intervenir directement devant le Parlement. Le candidat de l'UMP souhaite que le premier ministre "coordonne" – et non plus "dirige" – l'action du gouvernement.

M. Bayrou, qui envisage que son élection produise d'elle-même une majorité parlementaire à sa main, va plus loin dans la personnalisation du pouvoir. Alors que l'article 20 de la Constitution prévoit que "le gouvernement détermine et conduit la politique de la Nation", le président de l'UDF a fait part de son souhait de le modifier en ces termes : "Le président de la République détermine et conduit la politique de la nation. Le gouvernement la met en œuvre." Pour justifier ces réformes, ces deux candidats mettent en avant leur volonté d'asseoir la légitimité d'un président plus ouvertement engagé dans l'action publique. "Celui qui est élu doit gouverner (…). La légitimité est sienne, la responsabilité doit être la sienne", a souligné M. Bayrou. "Les Français attendent désormais encore plus d'engagement et d'énergie de la part du président (…). Le président de la République devra demain gouverner", fait valoir M. Sarkozy.

La "responsabilité" d'un tel président ne vaudrait, toutefois, qu'à condition de pouvoir être engagée devant le Parlement. Mais les candidats se gardent bien de prévoir, en la matière, le moindre dispositif contraignant. Les électeurs devront se contenter de promesses de bonnes conduites. "Je serai la présidente de la juste autorité car je sais où je vais et comment j'y vais", a assuré Mme Royal, le 6 février à Paris. "Le peuple délègue sa confiance. Il choisit un cap en choisissant un capitaine. Le président assume et assure", a suggéré M. Bayrou. M. Sarkozy a promis, pour sa part, une "démocratie irréprochable".


Isabelle Mandraud et Jean-Baptiste de Montvalon
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