Sarkozy et les médias : mais de qui se moque-t-il?

Publié le par PS Plaine de France - canton de Luzarches

Présidentielle. Rencontre télévisée. Le feuilleton autour du débat Royal-Bayrou relance la polémique sur les relations ambiguës du candidat de l'UMP avec les patrons de presse.
La haute main de Sarkozy sur les médias
Par Raphaël GARRIGOS, Catherine MALLAVAL, Isabelle ROBERTS
Libération - samedi 28 avril 2007
Les médias sont-ils au service de Sarkozy ? Et, si oui, qui passe les plats ? Alors que l'organisation du débat entre Ségolène Royal et François Bayrou a continué vendredi de défrayer la chronique, la question d'une certaine intrusion ­ pour rester poli ­ du candidat Sarkozy dans les médias se repose avec une méchante acuité. Suite d'un long feuilleton, lors duquel l'homme a su déployer un large registre : grosse colère (récemment, en coulisses de l'émission France Europe Express sur France 3, parce qu'il n'avait pas de loge), invectives directes à des journalistes, remerciements douteux, par exemple à Robert Namias (TF1) et Arlette Chabot (France 2) pour avoir levé le pied sur le soulèvement des banlieues fin 2005, quand il ne s'agit pas d'abus de pouvoir caractérisé. C'est bien Nicolas Sarkozy qui, lorsqu'il était encore ministre de l'Intérieur, a exigé et obtenu le limogeage du patron de Paris Match, qui avait eu l'outrecuidance de montrer Cécilia en compagnie d'un autre que lui en une. Caractère autoritaire ? Manque de respect pour l'indépendance des médias ? Ce qui est sûr, c'est ce que le candidat jouit d'un formidable réseau de copains qui tiennent le haut du pavé dans les médias.
Un grand réseau 
D'abord, il y a Martin Bouygues, le plus proche de tous, son meilleur ami et, ça tombe bien, patron de TF1 (soit un tiers de l'audience télévisuelle). Mais il y a aussi Arnaud Lagardère, son «frère», patron du groupe qui abrite en son giron Europe 1, Paris Match, le  JDD, etc. C'est sans compter avec Serge Dassault, déçu du chiraquisme, et propriétaire du Figaro, Bernard Arnault, le témoin de son mariage avec Cécilia, et propriétaire de la Tribune, ou encore François Pinault, propriétaire du Point avec qui Sarko partage entre autres la même passion du vélo. Et alors ? Tous ces patrons-actionnaires ont-ils le petit doigt sur la couture et peuvent-ils vraiment mettre leurs journalistes au garde-à-vous ? Pas si simple. Mais certains faits sont troublants.
La télé sous influence 
Coups de fil, conseils, pressions, et sans doute et aussi une bonne dose d'autocensure de la part des chaînes de peur de déplaire, l'ombre de Sarko plane sur les JT. La crise des banlieues de 2005 en est l'illustration toute spéciale. Novembre de cette année-là, 7 à 8 (TF1) saisit en caméra cachée une provocation policière envers des jeunes. Savon du directeur de l'information. Le dimanche suivant, l'émission contrebalance avec les interviews de maires de banlieues chaudes. Le 10 novembre, cette fois, c'est France 2 qui diffuse dans son JT les images du tabassage de jeunes par des policiers. Ceux-ci sont suspendus. Arlette Chabot décide d'ôter le reportage du site web de France 2 : «Nous ne voulions pas tomber dans la surenchère.» En août dernier, le ministre de l'Intérieur, invité à TF1 pour une interview, en profite pour passer un savon mémorable à un journaliste. La raison ? Un reportage sur les sans-papiers de Cachan, jugé trop complaisant. En juin 2005, quand Canal + songe à se débarrasser de Karl Zéro à la déontologie variable, Sarkozy appelle Bertrand Méheut, patron du groupe, pour l'en dissuader. Pour le coup, il n'est pas le seul, puisque Laurent Fabius s'est lui aussi fendu d'un coup de fil. Autre affaire : le 7 mars 2006, la veille d'un délicat voyage du ministre aux Antilles, TF1 annonce que le joker de PPDA sera désormais le journaliste noir et antillais Harry Roselmack. Un bien beau hasard n'arrivant jamais seul, Sarkozy est déjà au courant. Le 17 février, recevant Place Beauvau le club Averroes, qui défend l'image des minorités dans les médias, le ministre de l'Intérieur avait en effet annoncé la nouvelle : il y aura, cet été, un Noir au 20 heures. D'ici à ce que ce soit Sarkozy qui ait lui-même soufflé l'idée à Bouygues... Plus récemment, ainsi que le raconte cette semaine le Canard enchaîné, Claude Guéant, directeur de campagne de Sarkozy, a tenté de s'assurer auprès de Patrick de Carolis, président de France Télévisions, que les émissions de Georges-Marc Benhamou, récent soutien de l'UMP, seraient bien reconduites à la rentrée. Raté : Carolis l'a envoyé sur les roses. Mercredi dernier encore, lors de l'interview de Sarkozy sur TF1 par PPDA et François Bachy, un détail amusant : plusieurs plans ont montré que, sous la table, le candidat de l'UMP avait enlevé ses chaussures. Sarkozy en chaussettes ! Il se croit chez lui, ou quoi ?
Brouillage sur les ondes 
Est-ce un hasard si les Guignols s'en donnent à coeur joie sur un si zélé Jean-Pierre Elkabbach qui, du haut d'Europe 1, pratiquerait à outrance des interviews cire-UMP ? En tout cas, en février 2006, le Canard enchaîné révèle que Jean-Pierre Elkabbach, directeur de la station, a pris conseil auprès de Nicolas Sarkozy sur le choix d'un journaliste politique. «C'est normal, fanfaronne Sarkozy. J'ai été ministre de la Communication.» Et il ajoute : «Je les connais, les journalistes.» De son côté, Elkabbach revendique sa «méthode» de recrutement, qui consiste, dit-il, à prendre l'avis des politiques, mais aussi de syndicalistes ou d'associations : «Je fais cela pour tous les services parce que je veux avoir les meilleurs... Je ne peux pas interdire aux politiques de me donner leur avis. Mais, ensuite, je décide à 100 % moi-même.» 
Pressions sur la presse 
C'est sans doute sur Paris Match que les interventions de Nicolas Sarkozy ont été les plus directes et les plus pressantes. Témoin, l'incroyable limogeage de l'ancien patron de Paris Match, Alain Genestar. Témoin aussi, depuis, le chouchoutage du candidat. Ah ! ce titre «Un destin en marche»,  dont a bénéficié Sarkozy en décembre dernier (sans parler des huit pages lui étant dédiées). Mais si c'était tout. Très déboussolant aussi, le tout récent «outing» de Joseph Macé-Scaron, actuellement directeur adjoint de la rédaction de Marianne (1) dans l'émission On refait le monde du 16 avril sur RTL : «J'ai été démissionné du Figaro Magazine [en juin 2005], tout simplement parce que j'ai refusé de tailler des pipes à M. Nicolas Sarkozy.» Direct. Autant que les coups de fil de Sarkozy à Edouard de Rothschild (actionnaire de référence de Libération ) pour se plaindre...
(1) Les Inrockuptibles du 24 avril.

Sarkozy : «Libération essaye de me démolir»
En réponse à la polémique qui l’accuse de relations privilégiées avec les patrons des grands médias, Nicolas Sarkozy dénonce «la violence des attaques à son endroit» en accusant le quotidien Libération de tentatives pour le «démolir».
Par Libération.fr avec AFP
LIBERATION.FR : mercredi 2 mai 2007
Nicolas Sarkozy est revenu aujourd'hui sur les polémiques sur sa proximité avec certains patrons de grands médias, demandant qui pouvait croire que les médias soient à sa «solde».
«On me dit que les médias sont à ma solde. Mais qui peut croire une chose pareille, quand on voit le déchaînement qu’a suscité ma candidature, mon projet», a-t-il déclaré sur France Inter.

Le quotidien Libération «fait campagne ouvertement pour Ségolène Royal, et tous les jours essaye de me démolir», a déclaré M. Sarkozy.

«Libération appartient à M. Edouard de Rothschild qui n’est pas parmi les plus modestes de France. Est ce que je dois en conclure que Mme Royal est liée aux puissances de l’argent?» a-t-il demandé.

«Le Nouvel Observateur appartient à M. Perdriel, l’une des grandes fortunes françaises. Le Nouvel Observateur a choisi Ségolène Royal, est-elle pour autant prisonnière des puissances de l’argent?» a-t-il ajouté.

«La totalité de la presse a pu constater la violence des attaques à mon endroit», a-t-il dit.
 
Le candidat UMP a également répété qu’Arnaud Lagardère (dont le groupe possède notamment Europe 1, le Journal du Dimanche, Paris-Match, des titres régionaux) et Martin Bouygues (dont le groupe possède TF1), qui entretiennent des relations d’amitié avec lui, «n’étaient pas» à son meeting de Bercy, contrairement à ce qu’avait dit le secrétaire national du Parti socialiste, Français Hollande.

M. Sarkozy a été accusé par ses adversaires d’avoir exercé des pressions pour tenter d’empêcher la tenue du débat entre Ségolène Royal et François Bayrou, ce qu’il a fermement démenti.

Un traducteur de France 2 licencié pour avoir raillé Sarkozy
Une blague dans le sous-titrage en anglais d’un journal télévisé de France 2, prêtant un "ego surdimensionné" au candidat de l’UMP Nicolas Sarkozy, a entraîné le licenciement de son auteur.
Par Grégory ONILLON
LIBERATION.FR : lundi 30 avril 2007

Un traducteur américain des journaux télévisés de France 2 a été licencié pour s’être livré à une facétie en traduisant un discours de Nicolas Sarkozy.

Aux Etats-Unis, le journal de France 2 est diffusé sur plusieurs chaines du câble, pour les francophones mais également pour les anglophones qui peuvent suivre les informations françaises grâce aux sous-titres.

Le 23 avril, un reportage du journal montre un discours de Nicolas Sarkozy. A un moment, le candidat UMP invite les Français à «s’unir à moi». Ce qui, traduit avec un brin de fantaisie en anglais, donne: «rally my inflated ego» («unissez-vous à mon ego surdimensionné»).

Cette «blague» est ensuite relaté sur le site FrenchMorning, site d’actualité pour les francophones exilés aux Etats-Unis. Les réactions ne se font pas attendre. Jean Lachaud, un élu des Français aux Etats-Unis, contacte alors le service de traduction de France Télévision pour essayer de comprendre les raisons de cette «faute grave de sous-titrage». Guy Wildenstein, le représentant de l’UMP dans l’est des Etats-Unis, adresse également une plainte aux CSA pour dénoncer la conduite du traducteur blagueur.

L’équipe de traduction de France Télévision, par la voix de sa responsable Claire Quidet, fait savoir que «aussi impardonnable que soit cette erreur, il serait faux de croire qu’il s’agisse d’un sous-titre anti-Sarko. Il s’agit plutôt d’une blague de potache d’un traducteur un peu surmené, qui aurait pu s’appliquer à n’importe quel autre personnage, politique ou non, que le traducteur aurait eu à traduire ce soir-là».

Cette «blague de potache» n’est cependant pas du goût de la direction de France 2. Philippe Baudillon, le directeur général de la chaîne, juge l’incident «inadmissible» et laisse entendre que l’auteur de cette traduction ne travaillera plus pour la chaîne.

Publié dans Carton rouge

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article